Coronavirus : Le couple à l’épreuve du confinement
Que va nous faire vivre et que peut-on apprendre de cette période de pause et de repli ?
Pourquoi le confinement peut devenir un problème pour le couple ?
Rester bloqué chez soi n’est pas anodin, loin de là. Ce confinement n’est pas uniquement un confinement physique c’est également un confinement émotionnel. Toutes nos émotions, nos ressentis, s’entrechoquent, s’entremêlent, se télescopent et sont surtout exacerbés, démultipliés.
Certains en proie à l’anxiété, seront tétanisés, les dépressifs seront peut-être plus fragilisés, d’autres peuvent ressentir un sentiment d’étouffement. Les troubles du sommeil, l’irritabilité, les consommations et les addictions peuvent potentiellement augmenter (alcool, tabac, drogue, jeux vidéo). Une peur pour l’avenir pour soi, pour les proches loin de soi. Ces émotions vont se traduire, s’exprimer de bien des manières, par la colère, l’irritabilité, la tristesse, la panique. Comment les couples les plus vulnérables vont-ils traverser cette épreuve. « Ça passe ou ça casse » dirait Serge HEFEZ, psychiatre et thérapeute de couple.
Les frustrations, les déceptions, les amertumes, les colères, les rancunes qui peuvent être soulagées ou apaisées par notre vie sociale, professionnelle, amicale, sportive extérieure, ne pourront l’être. Les remparts sociaux habituels, nos habitudes qui nous protègent, nous détournent de toutes ces tensions, sont absents. Les différents personnalité et forme de couple peuvent être secouées pendant ce temps de confinement et après ce temps de confinement.
– Les couples dits très fusionnels pourront ressentir le bonheur de s’enfermer dans cette bulle, dans cette parenthèse de proximité, ou le tout ensemble sera maître. Mais qu’en sera-t-il venue le temps de la sortie de cette crise, comment se réajuster, comment se distancier de nouveau sans engendrer de l’anxiété ?
– Les couples très indépendants voire évitants, qui pouvaient trouver leur équilibre notamment dans une cohabitation plus légère (rythmée par des activités sociales, sportives individuelles) vont se retrouver confinés, dans une promiscuité inconfortable, comment conserver ces espaces ne serait-ce que psychique nécessaire à l’équilibre de chacun ?
– Les couples plus possessifs qui, par peur de l’abandon, pour abaisser leur anxiété, par jalousie, éprouvent le besoin de « contrôler ou de maîtriser » toute forme de situation, seront possiblement moins inquiets durant cette période. Et comment vivre la prochaine distanciation ? – Les couples que je qualifie d’isolés, seuls dans leur relation, indifférents l’un a l’autre, qui vivent ensemble (parfois pas pour les bonnes raisons) sans désir de partager, de communiquer, de faire des choses ensemble, pourront peut-être vivre cet isolement relationnel d’autant plus violemment. Un peu comme si la réalité de la solitude à deux s’imposait à eux. La tristesse peut être difficile a vivre.
Pour affronter cette période, il est important que chacun puisse déjà accepter ses propres appréhensions, ses propres peurs, ses angoisses, et avoir la capacité de les partager avec son conjoint, ne pas avoir peur d’exprimer son ressenti afin d’éviter les mauvaises interprétations, les non-dits. Pour gérer ce stress, il faut l’accepter, se rappeler que probablement d’autres situations nous ont déjà stressées, et s’appuyer sur ses expériences, ses qualités, ses compétences à gérer ces moments insécurisants. Mettre en mots, oser exprimer sa peur évitera à des conduites addictives.
L’expression des fragilités de chacun évitera d’entendre des reproches, des jugements de valeurs (tu dramatises toujours tout, tu n’es pas capable de, calmes toi …). Durant cette période, il nous est impossible d’échapper à l’autre, d’échapper à sa mauvaise humeur, son anxiété. Il nous faut apprendre à accueillir avec beaucoup plus d’indulgence, de bienveillance les fragilités de l’autre, ouvrir un espace d’échange, d’écoute. Il nous faudra apprendre à faire la paix, créer un climat de neutralité, être créatif, ingénieux pour se préserver, préserver la relation de couple, et par rebond les enfants qui partagent ce climat.
Comment bien vivre le confinement ?
Il est absolument nécessaire de respecter l’intimité de l’autre et de prendre du temps pour soi, respecter le rythme de chacun. Le couple est un instrument de musique qu’il est nécessaire d’accorder et d’autant plus dans cette période de confinement. Certains auront peut-être fait le choix de partager des lieux de vie, de se réinstaller chez les parents, ou de s’installer chez des amis. Attention, passé cette période euphorique de se retrouver, ce ne sont pas les vacances. Les couples ont besoin d’intimité, ne serait-ce que relationnelle, et ce seul espace sera la chambre d’enfant ou d’ado qu’il auront quitté il y a bien longtemps. Dans ce cas de figure il sera impérative de pouvoir se créer des temps de replis, de créer des caissons sensorielles et émotionnelles, de se retirer un moment de la
cellule familiale (lecture, musique, méditation….) Pour éviter le sentiment d’avoir des journées interminables, il nous faut organiser,
séquencer, rythmer cette journée. Le travail s’invite à maison, il faut que les couples organisent cette journée de télétravail, s’il y a des enfants que chacun puisse avoir un temps travail, un temps gestion des enfants. Cette période va peut-être permettre d’harmoniser la vie à deux, en famille (répartition des tâches ménagères, devoirs et activités avec les enfants…). Et profiter de ce moment pour renouer avec les temps de repas en famille, les temps d’échanges et de jeux avec les enfants. Et ne pas oublier que malgré ce confinement, le couple est toujours présent, il peut faire partir des oubliés. Le désir est peut-être plus abaissé, notamment chez les couples avec les enfants, l’environnement est peut-être moins propice à la légèreté, à la séduction, à l’érotisme. En étant dans cet espace confiné, le désir, notamment animé par le manque, est mis à mal. La séduction passe par une multitude de petites choses, les attentions l’un pour l’autre, les temps de partage, les temps d’échange, l’humour, l’écoute, la bienveillance, continuer de faire beau pour l’autre…
Ce temps va peut-être nous permettre de penser, de se poser pour réfléchir à notre vie, à nos choix personnels, au sens que nous voulons lui donner et parallèlement à cette réflexion personnelle, peut s’engager une réflexion sur le couple. Il nous faut ne pas oublier que ce confinement est sur un temps donné, soit un temps incertain, mais absolument pas définitif. Il est important de continuer à se projeter, continuer à faire des projets, pour les jours à venir, pour les mois à venir
Et je crois qu’il nous faut nous souvenir de l’histoire de notre rencontre, si à un moment nous avons pris la décision de faire couple, c’est que nous étions heureux ensemble, que nous avions envie de vivre ensemble, de partager du temps ensemble, de s’aimer, de rire ensemble. Ne l’oublions pas, et ce d’autant plus qu’il y a un après, après ce temps de
confinement. Nous serons heureux de retrouver nos familles, nos amis, notre travail, nos activités diverses et heureux d’avoir ensemble traverser une épreuve compliquée.
Les thérapeutes, psychologues sont également là et disponibles pour des téléconsultations et vous soutenir dans cette période compliquée.